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dimanche 10 mai 2020

2020-05-12 Quel sport en 2030 ? 2 scénarios post Covid 19


Voici la fin du confinement et la fin de notre « retour sur la gouvernance du sport ».
Episode 1 lancement du chantier gouvernance,  Episode 2  une vision prometteuse, Episode 3  le  processus de décision, Episode 4 (première partie )  Une mise en œuvre chaotique : le  cadre législatif et réglementaire.  Episode 4 (seconde partie)  Une mise en œuvre chaotique mais une lueur d’espoir  Dernier épisode première partie Quel sport en 2030 ? les tendances lourdes.
Voici la seconde partie de notre vision du sport en 2030


2 scénarios d’avenir

Les acteurs sont face à des choix qui pèseront durablement sur le modèle sportif dans les 15 prochaines années. Les scénarios de long terme sont eux-mêmes conditionnés par l’intensité de la crise actuelle et la durée de la première pèriode  jusqu’à la découverte d’un médicament ou d’un vaccin.
L’organisation du sport conservera longtemps les effets produits par la période pré- vaccin.

C’est la capacité des acteurs à s’organiser pendant cette période cruciale qui déterminera les scénarios de sortie de crise.
             

Le scénario de l’implosion – explosion

Chaque acteur a joué sa propre partition. Le ministère des sports a bien tenté de rassembler les acteurs autour de la gestion de la sortie du confinement avec la rédaction de guides pratiques mais rien de durable. Si le rôle de l’Etat a bien été identifié sur les problématiques de sécurité et d’éthique en revanche impossible ensuite de peser sur la sortie de crise.

Le mouvement sportif a implosé  avec des fédérations affinitaires qui  ont soutenu la FSGT dans le conflit qui l’opposait  au CNOSF et ont décidé de créer leur propre mouvement en mettant en avant le sport santé et en revendiquant une mission sociale et éducative. Elles traitent en direct avec l’agence nationale du sport pour les subventions et pour certaines fusionnent pour être plus puissantes et constituer de véritables interlocuteurs pour les élus locaux qui privilégient le sport santé, l’inclusion sociale. Les assurances et mutuelles soutiennent cet élan des fédérations affinitaires.

La crise qu’a connue le  sport professionnel pendant le confinement a laissé des traces. Chacun a joué  sa rationalité personnelle, les recours ont été nombreux. Les collectivités incapables d’apporter une réponse collective partagée au niveau national ont été sous la pression des clubs soit pour augmenter les subventions et prestations de services soit pour supprimer les loyers. Passé la crise, le sport pro en particulier le foot est reparti de plus belle vers un système toujours plus inflationniste sur les salaires
Les organisateurs d’événements ont négocié pendant la crise au cas par cas le report de dates ou des conditions particulières d’organisation.  Résultat les évènements sont concurrents entre eux. C’est une course effrénée à la chasse au spectateur qui a été lancée depuis la sortie de crise sans compter des calendriers totalement anarchiques.  C’est aussi une concurrence exacerbée pour la recherche de partenaires dont les moyens financiers depuis la crise ont été revus à la baisse. Le fossé s’est creusé entre Sport pro et sport de base vivent chacun leur vie de leur côté. La zone de chalandise du sport pro est internationale (Européenne). Le nombre de professionnels a beaucoup diminué. Leur rémunération tient autant compte de leur capacité à fédérer des communautés de spectateurs qu’à leur valeur sportive.


Paris 2024 a continué sur sa lancée avec ses challenges pour animer le label terres de jeux. De son coté le mouvement sportif s’accroche à son programme « sentez vous sport » à chaque rentrée. Le gouvernement a relancé la fête du sport et la journée olympique. Mais « en même temps «  la semaine olympique est maintenue à une autre date. Personne n’y comprend rien et aucun message ne passe auprés de la population et des clubs.  
Sur le terrain les acteurs sont livrés à eux mêmes et multiplient les dossiers pour sauver les meubles. Les mois de confinement ont laissé des traces. Les bénévoles seniors condamnés à l’inaction n’ont pas repris leurs fonctions. Pour y suppléer les dirigeants ont recruté des salariés précipitant le recours à des produits sportifs solvables (subventionnables ou destinés à des publics solvables. Le club devient le refuge pour la pratique organisée. La réponse fédérale pour les pratiques non compétitives non solvables est moins évidente.

Coté financement c’est la cacophonie. Sur sa lancée l’agence du sport avec son peu de moyens a continué à  lancer des appels à projets sans engagements des autres partenaires. Chaque acteur met en place ses propres appels à projet et ses propres critères. La gouvernance du sport sur les territoires a fait un flop retentissant du fait de l’incompréhension des nouveaux élus qui ont été renouvelés en 2021 (départements et régions). Avant cette date et compte tenu de l’urgence à gérer la crise du Covid 19 aucune conférence régionale et conférence de financeur n’a vu le jour.

Quant aux équipements sportifs c’est toujours aussi compliqué et aussi long de sortir un projet. La multitude des financements publics, l’absence de vision sur le long terme d’une politique territoriale d’équipements additionnées à une capacité financière des collectivités amenuisée suite à la crise du Covid 19 font que peu de projets sortent de terre. Le privé n’a pas pris en relais en l’absence d’outils adaptés permettant de garantir des investissements privés visant à satisfaire des missions d’intérêt général (cf nos différentes contributions sur le sujet et notamment celle faite en 2013 https://patrick-bayeux.blogspot.com/2013/05/2013-03-12-modernisation-du-sport-notre.html

La société a conservé les traces de cet affreux terme de distanciation sociale qui n était en réalité que de la distanciation physique. La distanciation sociale l’a finalement emporté sur la distanciation physique Les français ont  privilégie une pratique plus individuelle avec des applications en ligne, la marche le vélo ou des activités collectives mais ne nécessitant pas de déplacement trop important. Le coaching sous toutes ses formes numériques a fait sa place.

Le scénario de la raison

La crise du Covid 19 a eu du bon. Les acteurs ont compris l’intérêt de travailler ensemble et de porter collectivement  un bien commun. C’est un véritable plan de relance du sport qui a été mis en place. Les acteurs historiques de l’agence du sport ont été rejoints par la fondation du sport. Le COJO dont le président siège au sein de l’agence nationale du sport a pesé de tout son poids et a conçu la politique d’héritage  de Paris 2024 avec l’ensemble des acteurs. Mieux, les partenaires financiers du COJO ont accepté que soit versé un pourcentage de leur participation au financement des actions de l’agence nationale du sport tout comme la fondation du sport français qui a rejoint l’agence comme le proposait le rapport gouvernance (proposition 57).  Y compris les assurances et les mutuelles  sont présentes dans le tour de table avec une forte volonté de financer le sport santé.

Le mouvement sportif a fait front. Il a profité de la crise du Covid 19 pour se réinventer. Il a créé un actif immatériel : la licence universelle (idée suggérée dans le chantier gouvernance le 5 mars 2018 mais non retenue). Tous les enfants qui entrent au CP ont désormais une licence sportive avec un numéro à vie. Accompagnée d’un passeport sportif qui contient le dossier médical sportif, ses expériences, compétences et diplômes il comporte en plus une mention test covid qui permet de pratiquer les sports de contacts ou d’aller dans les enceintes sportives.

Les professeurs d’EPS  pendant le  deconfînement ont profité de cette période atypique pour marteler un message des bienfaits  de la pratique physique pour la santé. Sur 10 ans le taux de pratiquants a progressé chez les ados.  Y compris la télé-réalité s y met. Pas une série sans une routine quotidien d’activités physiques. La pratique physique régulière est devenue une routine.  

Sur le terrain les acteurs du sport ont apporté des réponses lisibles et concertées.
Etat, collectivités, mouvement sportif, partenaires économiques, COJO, partenaires financiers portent ensemble une politique publique du sport. Messieurs Doussot et Dirx ont rendu dès le déconfinement leur rapport sur la mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale du sport et ont été décisifs dans la nouvelle organisation territoriale qui a permis de désigner rapidement des chefs de file par compétence et d’être efficace.

Les fédérations ont renouvelé  leur mode de gouvernance. Elles travaillent ensemble et mutualisent les services communs dont les associations de base ont besoin. Vis-à-vis des associations locales elles évoluent d’un modèle « fait ce que je te dis » à « Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ». Elles encouragent et gèrent la solidarité entre les sports professionnels et le sport de base. Elles acceptent l’innovation et la diversité des situations locales.

Les organisateurs de grands évènements sportifs ont créé un fonds de garantie des évènements sportifs qui permet d’assurer le report ou l’annulation de grandes manifestations.
Le sport pro après s’être déchiré pendant la période de confinement a réalisé ce qui était impensable : l’harmonisation des calendriers au niveau national et international. La LFP a adopté un calendrier d’été, le rêve de Frédéric Thiriez. Le rugby a modifié son calendrier international. Les sports de salle aussi ont compris la nécessité de mutualiser les enceintes sportives et de s’entendre sur les calendriers. Une régulation internationale et européenne intervenue pendant la crise a permis au sport professionnel de revoir son modèle économique.
La loi a été modifiée pour permettre aux clubs de gérer les équipements sportifs sans mise en concurrence. Cela vaut pour les clubs pros ou les clubs locaux qui pour certains ont compris tout l’enjeu de se regrouper au niveau intercommunal. De plus en plus d’équipements sont ainsi gérés par le mouvement sportif qui accueille aussi les scolaires la journée.
Les pistes cyclables mises en place pendant le confinement ont été maintenues. A l’image des pays nordiques ce sont de véritables autoroutes à vélo qui traversent les métropoles.  Même les grandes surfaces qui avaient amorcé une stratégie de décroissance avant la crise du Covid 19 consacrent des espaces à la pratique physique et sportives. Certains friches industriels sont désormais consacrés aux activités physiques et sportives.



Raison / intelligence collective
Explosion / implosion
Enjeu dominant
Mieux faire ensemble
Chacun pour soit
Politique
Pilotage par la concertation et l’engagement de tous les acteurs au service d’un projet commun
Aucun système de pilotage chaque acteur développe sa propre stratégie 
Equipement
Recherche de cohérence à la fois dans la planification et l’utilisation
Développement de e-sport- Multiplication de l’offre privées
Equipements « normés «  en baisse
Territoire
Répartition des compétences par niveau de collectivité
Fonctionnement par opportunité lié à des financements croisés
Mode d’action
Grand plan de relance du sport dans un premier temps et gouvernance partagée ensuite
Eclaté
Rivalité

Les acteurs publics
Tous au service d’un projet visant le bien commun élaboré juste après la crise du Covid avec un plan de relance jusqu’au JO est qui s’inscrit dans l’héritage Covid  Paris 2024
L’état présent uniquement sur le sport de haut niveau, les collectivités en réponse aux besoins des clubs au cas par cas avec un recentrage sur les équipements (pour les clubs et aménagements  (pour le grand public
Le mouvement sportif
Eclatement du mouvement sportif avec scission entre fédérations délégataires et fédérations affinitaires
Le secteur marchand
De plus en plus présent grace au applications numériques et à une offre adaptée à une pratique de santé de bien être au niveau local 
Le sport pro
Développement d’un modèle inflationniste basé sur les droits TV rachat de droits sur le e-sport
Paris 2024
A développé ses propres programmes, aucune trace de l’héritage passé les JO



Conclusion

Le scénario implosion/explosion semble le plus vraisemblable à moins que la pandémie agisse comme un révélateur de l’intelligence collective.

Mais qui aura suffisamment de légitimité pour appeler à cette « révolution » ? peut on imaginer le monde d’après avec ceux qui ont construit le monde d’avant ?

« Ce monde n’est pas fini, il va gigoter encore. Après le confinement un boom économique provisoire le rassurera. Seul un nouveau mouvement citoyen  animé par une pensée forte et une conscience lucide pourra ouvrir le chemin d’un nouveau monde » disant Edgar Morin dans un tweet daté du 26 mars 2020 ‘1 :40 PM

et si le sport donnait l’exemple. 

Etant à l’origine de la création de l’agence nationale du sport mais n’ayant pas été invité à son lancement et n’ayant jamais eu aucun contact avec les dirigeants de l’agence, je me positionne aujourd’hui comme un lanceur d’alerte.

Aujourd’hui j’ai un nouveau rève pour 2020 (j’en avais fait un en début d’année http://patrick-bayeux.blogspot.com/2020/03/20200121-ce-dont-javais-reve-pour.html ) , ou plutôt je  formule un vœux, voire  je lance un appel pour la création d’un grand plan de relance concerté entre tous les acteurs du sport.

Les acteurs du sport sont ils capables de se mobiliser pour se réinventer. A eux de choisir leur scénario.

2020-05-05 Quel sport en 2030 ? Les tendances lourdes

Quel sport en 2030 ? Les tendances lourdes, par Patrick Bayeux


Il y a 15 ans avec mon ami Gérard Baslé on concevait quatre scénarios prospectifs sur l’organisation du sport en 2020. C’est la métropole de Grenoble qui nous avait passé cette commande pour  réfléchir sur sa politique publique sportive. Ces 4 scénarios prospectifs ont été  présentés lors du forum Sport loisir tourisme territoire à Grenoble Alpexpo en janvier 2006.

Fiches pratiques sportives n° 75 janvier 2006
Pour une lecture détaillée le lecteur se reportera à 4 scénarios prospectifs sur l'organisation du sport de Patrick Bayeux et Gérard Baslé, Rems octobre 2006. La présentation utilisée lors du salon est aussi disponible.
15 ans après on fait le constat qu’on avait vu juste avec le scénario de la gouvernance. Toutefois, dans le discours les acteurs sont d’accord pour basculer vers le scénario de la gouvernance, manifestement dans les faits ils n’étaient pas prêts à cette évolution puisque le GIP fonctionne de la même façon que le CNDS, et que localement rien ne s'est passé. »
Episode 1 lancement du chantier gouvernance,  Episode 2  une vision prometteuse, Episode 3  le  processus de décision, Episode 4 (première partie )  Une mise en œuvre chaotique : le  cadre législatif et réglementaire.  Episode 4 (seconde partie)  Une mise en œuvre chaotique mais une lueur d’espoir

Aujourd’hui nous souhaitons plus modestement faire le même exercice dans un contexte si particulier mais propice à l’accélération des prises de décision. En effet en temps de crise, le temps de la décision se réduit.
Cette période peut être profitable aux acteurs du sport ou au contraire signer une implosion du modèle.

2 périodes post-confinement

Un consensus semble aujourd’hui se dégager sur le fait que l’après confinement sera marqué par 2 périodes :
-          la première avant le traitement ou le vaccin ;
-          la seconde après le traitement ou le vaccin.

Durant la première période, la pratique sera limitée et devra se faire en tenant compte des mesures de distanciation physique. Même si l’épidémie est contrôlée, l’incertitude va dominer. Pour les pratiques sportives de salle et de contacts interdites pour le moment, peut-on imaginer une reprise conditionnée par des tests ? Les adhérents vont-ils retourner dans les clubs ? Ces pratiques sont-elles viables en respectant les mesures de distanciation physique ?  Les parents seront-ils suffisamment en confiance pour laisser leurs enfants pratiquer ? Quid des encadrants et des bénévoles dont on sait qu’ils sont en grande partie des séniors ?  Quant au spectacle sportif peu probable qu’il puisse se dérouler en jauge maximum. Alors que faire, diminuer la jauge temporairement ou durablement ?  Certains architectes y pensent déjà.
Comment les acteurs du sport vont s’organiser pendant cette période pour mieux basculer vers la seconde ?  En outre dans cette période il n’y aura pas que la distanciation qui pèsera, il y aura aussi la disponibilité des services publics, les mesures de gestion du temps : transports, l’organisation de la vie école ou pas, travail ou pas, horaires décalés…
Cette première période peut-elle être propice à une remise en cause du modèle actuel, un déclencheur qui laisserait entrevoir une seconde période différente de la période avant Covid 19 ?  Cette première période sera déterminante pour la construction de la seconde.
Pour cette seconde période,  nous voyons 2 scénarios:
-          le scénario de l’implosion / explosion ;
-          le scénario de la raison / de l’intelligence collective.

Une accélération des tendances lourdes

Quel que soit le scénario, on assistera à une accélération des tendances lourdes. Des tendances lourdes qui constituent des facteurs à prendre en compte et qui auront d’une manière certaine une influence sur les futurs possibles. Pour certaines tendances le coronavirus va être un accélérateur.

-          L’évolution de la population - comportement – consommation
On relève plusieurs tendances telles que la  transformation de la structure familiale : baisse des mariages, augmentation des divorces, essor de nouvelles formes d’union ;  La transformation des parcours d’activité et l’hybridation des statuts d’activitéentraînant le brouillage de l’opposition traditionnelle entre activité et inactivité. Cette évolution de la population s’accompagne d’une évolution des comportements entre les vétérans (nés avant 45), les babyboomers (nés entre 45 et 60), et les générations X (nées entre 61 et 80)  Y (nées entre 81 et 95) et Z (après 95) .
Respectueuse des règles et de la hiérarchie la génération X est fidèle à l’entreprise même si le travail n’est pas plaisant.  La génération Y dite  « digital natives » ou encore  « millennials » première génération née avec internet est impatiente veut faire plus vite, veut  plus de responsabilités, privilégie le court terme au long terme  et rejette parfois la hiérarchie et fait passer les loisirs au premier plan. La dernière génération (Z), la « génération du pouce » en référence à l’usage permanent du smarphone n’est pas entrée sur le marché de travail mais tout comme la génération Y ils sont en permanence connectés à leur tribu.
Dans le domaine des pratiques physiques et sportives, ces générations ont des  modes de consommations et  des  aspirations différentes. Ainsi on relève que toutes les études sur la motivation pour la pratique sportive et physique mettent en avant la santé, la lutte contre les stress, le partage et la convivialité avec les autres. La compétition n’est plus une motivation encore moins pour les jeunes générations. Dans un contexte d’incertitudes fortes l’individualisme et le fonctionnement en tribu vont ils s’accélérer ? Peut-on craindre un abandon de toutes pratiques collectives organisées ? Comment les nouvelles générations vont-elles s’organiser pour pratiquer une activité physique et sportive ?

-           Le rapport au temps, à l’espace ; l’accélération du changement 
Les rythmes de vie sont de plus en plus individualisés et diversifiés. Les temps de la ville sont  repensés, qu’il s’agisse des transports ou des services. Le temps du travail va être totalement chamboulé avec la crise du coronavirus. Le mode de gestion et l’utilisation du temps de la part des acteurs publics comme privés sont réinterrogés. Il n’y plus que l’institution scolaire dont le temps est figé et encore ça bouge. Les entreprises et les professions font l’expérience du télétravail. Celui-ci devrait s’installer durablement comme un mode d’exercice des activités professionnelles à part entière. Quelle utilité d’habiter à une heure de transport de mon travail si je peux le faire depuis n’importe où ? Le modèle domicile / travail / services / loisirs est remis en cause.
En outre le rythme du changement s’accélère et ceci dans tous les domaines, les sciences, les techniques les outils mais les territoires eux-mêmes avec des changements d’échelle de plus en plus importants liés au renforcement des intercommunalités, de la métropolisation tout en observant un plébiscite pour le retour à la nature. Avec le covid 19 c’est le mode de vie des français qui est réinterrogé.

Comment les acteurs du sport doivent prendre en compte ces nouvelles temporalités sur ces nouveaux territoires. La pratique physique et sportive sur le temps du travail dans un cadre sécurisé va-t-elle prendre le pas sur les autres formes de pratiques ? A l’avenir le bien-être au travail passe t-il par des aménagements aux temps sportifs ou à tout du moins des équipements permettant une pratique de proximité (running par exemple autour du lieu de travail) ?

-           Le développement durable,  la frugalité, le retour à la nature et au local
La lutte contre le changement climatique engagée depuis plusieurs années s’accélère avec une volonté de tendre vers la neutralité carbone, de diminuer les consommations énergétiques et de favoriser  les énergies renouvelables. Cette tendance a de nombreux impacts sur l’urbanisme  (lutte contre les ilots de chaleurs, végétalisation des surfaces, … )  les politiques de transport, conception et la construction des équipements, l’organisation des évènements sportifs, … « Frugalité » est désormais un mot de plus en plus présent dans le discours des urbanistes et des architectes tout comme l’économie circulaire qui est un standard qui s’imposera dans les toutes prochaines années. En outre, le retour à la nature est une tendance lourde qui trouve un écho particulier dans le domaine sportif et qui s’amplifiera dans les années à venir tout comme le local revient en force.
Le retour au local dans le domaine sportif signifie-t-il une pratique de proximité, une limitation du temps de transport, une pratique à forte valeur environnementale ? L’enjeu est-il la nature de la pratique sportive ou ce que génère cette pratique ?  

-          La santé, le bien être, le bonheur  mais aussi la distanciation
Etre en bonne santé est aujourd’hui la priorité des français qui ne fait que s’amplifier au regard de la crise du Covid 19. L’allongement de l’espérance de vie et la prise de conscience que les politiques publiques de santé ne régleront pas tous les problèmes font naître de nouveaux comportements individuels basés sur une plus grande responsabilité des individus par rapport à leur propre capital santé. Mais ce comportement d’abord hédoniste va s’élargir à la sphère familiale et amicale. Le bien-être passe par la santé et sans doute par une forme adaptée de pratique physique et sportive. Le bien-être va rapidement dépasser la consommation de soins et de services. Se sentir bien et en sécurité est en passe de devenir un mode de vie. Mise en perspective des problématiques de distanciation en attendant le remède et / ou le vaccin de nombreuses applications proposent des programmes d’activités et plus largement de santé (relaxation, méditation, …) qui constitueront une alternative ou un complément à une pratique plus traditionnelle.
Cette distanciation va peser lourd dans le comportement de nos concitoyens à la fois pour le sport qui se pratique mais et  encore plus pour le sport qui se regarde dans les enceintes sportives. Les pratiquants vont-ils retourner vers les clubs, prendre des licences  ou privilégier une forme de pratique plus informelle, moins cadrée. Les supporters et spectateurs pourront-ils retourner dans les enceintes ? Le souhaiteront-ils ? Le spectacle sportif, la fidélité à un club seront-ils suffisamment puissants pour fidéliser à nouveau les spectateurs ? Ou l’avenir est il d’assister à un spectacle sportif connecté en visio avec sa tribu devant un écran ?

-          le numérique, la mise en scène, l’expérience spectateur
Il y a 15 ans lorsque nous avons imaginé le sport en 2020, les réseaux sociaux n’existaient pas. Facebook a été fondé en 2004, Twitter a été créé le 21 mars 2006. Nous avions pointé une tendance lourde : la mise en scène et la spectacularisation des évènements sportifs. Aujourd’hui cette tendance est totalement vérifiée mais concerne également le spectateur qui doit vivre « une expérience unique » et pouvoir se mettre en scène lui-même. Le narcissisme sur les réseaux sociaux est une tendance lourde mais aussi une source de motivation qu’un certain nombre d’applications ont bien intégré. En outre ce qu’il convient d’appeler la révolution  numérique offre de nouvelles formes d’organisation de la pratique sportive qui obligent les acteurs historiques à définir des stratégies digitales.
Tout l’écosystème du sport s’en trouve bouleversé par le numérique, que ce soit celui du sport qui se pratique ou du sport qui se regarde, mais aussi des pratiquants du sport qui se regarde ! Le développement du coaching individuel va s’amplifier. Les tutos vont circuler sur les réseaux sociaux. Les fans vont se multiplier et partager leurs expériences. Sans oublier le « e-sport » qui pourrait constituer pour certaines personnes une alternative à une pratique traditionnelle.  

-          La désacralisation des institutions, la perte de confiance
Nous connaissons depuis plusieurs années une crise des institutions politiques et des corps intermédiaires. Cette perte de confiance envers nos représentants s’accompagne d’une perte de monopole de la transmission de la connaissance par l’Education nationale qui n’est plus le seul lieu légitime du développement des compétences. Dans le domaine sportif une autre crise impacte la confiance : les violences sexuelles ce qui ont conduit la ministre des sports à mettre en place un contrôle de l’honorabilité des bénévoles et des encadrants. Cette crise de la confiance va générer de nouvelles formes d’engagement  et en particulier des bénévoles. De nouvelles solidarités de proximité vont se mettre en place.

 L’incertitude liée à la crise du Covid 19 doublée d’une crise de confiance des institutions va-t-elle  impacter l’engagement des bénévoles dans le domaine sportif ? Peut-on imaginer de nouvelles formes de solidarités dans le domaine sportif avec de nouvelles formes de pratiques sportives ? Le militantisme  sur les réseaux sociaux, le crowdfunding, la pratique en tribu vont-ils prendre le pas sur le club ? 
Nous développerons sur les bases de ces tendances lourdes dans notre prochain et dernier papier pour cette période de confinement 2 scénarios sur le même modèle que ceux développés il y a 15 ans.