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lundi 16 mars 2020

2020/02/19 [Gouvernance du sport sur le territoire] Deux confusions majeures : compétences et financements, concertation et décision !

Le projet de décret relatif aux conférences régionales du sport et aux conférences des financeurs du sport circule depuis quelques semaines et interroge sur la finalité de la nouvelle gouvernance du sport d’une part et sur le mode opératoire d’autre part.
En résumé, initialement la conférence régionale du sport était une structure de concertation visant à émettre des propositions à une conférence des financeurs. Les acteurs devaient discuter collectivement des compétences de chacun afin de mettre en cohérence les financements. Dans la vision actuelle qui résulte de la loi et du projet de décret, la conférence régionale ne discute pas des compétences mais s’attache à produire des « contrats pluriannuels d'orientation et de financement  qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s'engagent à conduire ».
Ainsi la conférence régionale du sport qui associe tous les acteurs y compris les usagers à titre individuel, et les syndicats (certes à titre consultatif) se retrouvent décideurs pour imposer aux financeurs les actions qu’ils doivent conduire. La gouvernance à l’envers !

D’une manière plus détaillée

La vision initiale  selon le consensus obtenu dans la démarche gouvernance
Dans la vision initiale qui a fait consensus dans le chantier gouvernance (cf le rapport gouvernance du sport) la conférence régionale du sport est le «  lieu privilégié de concertation et d’expression de l’ensemble des acteurs du domaine du sport, y compris des représentants des usagers. Elle aurait pour mission de faire des propositions et d’émettre des avis à l’attention des financeurs sur l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation du projet sportif territorial. »
La conférence des financeurs  quant à elle  au niveau régional devait associer les services déconcentrés de l’État, les organes régionaux et départementaux représentant le mouvement sportif, les régions, les départements, les intercommunalités, les communes et le monde économique. Chacun au sein de la conférence discute et s’engage sur les compétences qu’il a décidées. Chaque acteur recueille l’avis de ses partenaires sur ses choix, et demeure seul décideur de ce qui relève de sa compétence dans le respect du principe de l’autonomie des collectivités locales. Les  contrats pluriannuels d’orientation et de financement par grandes politiques publiques permettent aux acteurs du sport d’avoir de la lisibilité sur plusieurs années.
La vision actuelle
Ce qui est prévu par la loi et par les projets de décret d’application est loin de cette vision initiale. En effet la loi  du 2 août 2019 prévoit que « le  projet sportif territorial donne lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d'orientation et de financement qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s'engagent à conduire ainsi que les ressources humaines et financières et les moyens »

Exit le débat sur les compétences

Dans cette démarche il n’est jamais question de compétences alors que c’était le fondement même de la réforme de la gouvernance. En effet « les collectivités n’ont pas souhaité répartir des compétences entre elles, ni désigner de chef de file, tant la situation sur les territoires est hétérogène. Elles considèrent que les élus locaux et les acteurs du sport sont suffisamment responsables pour définir à l’échelle de chaque territoire qui porte quelle politique, ce qui revient à discuter, par territoire, de la spécialisation « à la carte » des différents acteurs » (page 36 du rapport gouvernance)

Une répartition des financements et non des compétences

La loi est claire sur le sujet « le  projet sportif territorial donne lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d'orientation et de financement  qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s'engagent à conduire ».
Quant à la conférence des financeurs elle ne fait que mettre en œuvre ce que prévoit la conférence régionale du sport. Le projet de décret prévoit que «  Chaque conférence des financeurs du sport a pour missions :
1° de définir les seuils de financement à partir desquels les projets d’investissement et les projets de fonctionnement doivent lui être soumis pour examen et avis;
2° d’émettre un avis relatif à la conformité de chaque projet qui lui est soumis aux orientations définies par le projet sportif territorial ;
3° d’identifier les ressources pouvant être mobilisées par chacun des membres de la conférence.

Un modèle totalement inversé par rapport à la vision initiale

Les dispositions prévues par la loi et par le projet de décret confèrent à la conférence régionale un pouvoir de concertation et de décision sur les financements attribués aux différentes actions financées par la conférence des financeurs.
Initialement la conférence régionale était une instance de concertation d’où son ouverture large à l’ensemble des acteurs. D’ailleurs ce type de conférences pouvait se mettre en place à l’échelle départementale, métropolitaine et intercommunale. La conférence des financeurs au niveau régional étant elle l’instance de décision d’intervention sur les compétences et de mise en cohérence des financements accordés aux différentes actions.

Un modèle inapplicable, en tout cas sans effet avant 2024

Cette vision qui résulte de la loi et du projet de décret est une vision très technocratique qui se contente finalement d’adapter le modèle actuel de répartition des financements en intégrant tous les acteurs de la gouvernance. Une vision qui  sous tend que toutes les actions et leurs financements sont gravés dans le marbre pour 5 ans !
Une vision qui ne sera très certainement pas celles des élus sur les territoires qui se retrouveront pieds et mains liés avec une double contrainte de  « contrats pluriannuels d'orientation et de financement »  d’une part au niveau de la conférence régionale et « d’avis relatif à la conformité de chaque projet » d’autre part au niveau de la conférence des financeurs.
De plus il n’a échappé à personne qu’on entrait dans une période électorale intense avec les municipales dans un mois, les départementales en mars 2021 et les régionales fin 2021. C’est à dire des dossiers qui seront travaillés en 2022 pour un vote en 2023 !   Sans effet en 2024 c’est certain. Encore faut il que le modèle survive !

https://www.acteursdusport.fr/article/gouvernance-du-sport-sur-le-territoire-deux-confusions-majeures-competences-et-financements-concertation-et-decision-par-patrick-bayeux.14769

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