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mercredi 15 janvier 2014

2014-01-14 Loi de modernisation du sport : quel service public ? Quelle intervention de l'Etat ?

Valérie Fourneyron a annoncé la semaine dernière son intention de mettre fin à la tutelle de l'Etat sur les fédérations sportives, dans le même temps les membres du comité olympiques plébiscitaient « le projet du CNOSF pour le sport Français » dans lequel, le mouvement sportif revendique une plus grande autonomie. La qualité du projet a été salué par la ministre.

Après le temps du projet contre projet, le temps d'un projet partagé est il venu ?
En tout cas ces déclaration sont de nature à engager une réflexion sur le rôle des acteurs du sport en France et peut être à évoluer vers une relation plus équilibrée souhaitée par le mouvement sportif. Une relation dans laquelle « aucun des acteurs n'a le pouvoir sur l'autre.. « selon Denis Masseglia.
Ces 2 projets : d'un coté celui du CNOSF et de l'autre celui de la ministre pour l'instant matérialisé par un courrier daté du 27 décembre 2013 adressé aux présidents de fédérations dans lequel est décrit l' »esprit de la loi sport » pose désormais la question du service public du sport et du périmètre d'intervention de l'Etat notamment. Nous ne traiterons pas dans cette contribution de la place du service des sports territorial (cf sur ce sujet notre contribution 2013-12-24 Décentralisation : le sport une nouvelle fois absent du développement régional, une absence de vision à court et moyen termes et plus globalement nos propositions relatives à la modernisation du sport , contribution  à revisiter au regard de la volonté du président de la république de clarifier les compétences des collectivités territoriales).

Un service public construit au cours des années d'après guerre

De la fin du XIX ème siècle à la seconde guerre mondiale le sport s'est construit dans une logique privée sans intervention de l'Etat et grâce à la liberté d'association. C'est après la seconde guerre mondiale et en particulier avec l'ordonnance du 28 aout 1945 que l'Etat va décider de maintenir le système de tutelle mis en place par la charte des sports du 20 décembre 1940 sous le gouvernement de Vichy.
Dans l'ordonnance de 45, l'Etat s'attribue le droit d'autoriser (par le biais du ministre de l'Education Nationale) l'organisation des compétitions sportives qui donnent lieu à la remise d'un titre international, national, ou régional ainsi que le choix des sélections nationales (art. 1 er). Dans le même temps, l'Etat prévoit la possibilité de déléguer ses pouvoirs (d'autorisation), à des fédérations déterminées ».
C'est ensuite dans les années 60 que l'Etat, sous l'impulsion du général de Gaulle en réaction aux résultats des JO de Rome (zéro médaille d'or), va élargir son périmètre d'intervention et se donner les moyens de ses ambitions en mettant en place le dispositif des Directeurs techniques nationaux et des conseillers techniques régionaux. C'est ce dispositif des cadres techniques central dans l'organisation du sport en France qui est aujourd'hui au cœur du débat entre le mouvement sportif et le ministère des sports, nous y reviendrons.
Au fil des années l'intervention de l'Etat s'amplifie avec la mise en place de réglementations (enseignement et encadrement des APS, sécurité des pratiques, équipements sportifs, différentes professions, suivi médical, .... ) , la délivrance de formations, la gestion du haut niveau, et aussi l'enseignement de l'EPS.
Au delà grâce au CNDS, le ministère des sports soutient l'accès au sport pour tous, le sport comme outil de santé publique, la construction d'équipements sportifs, ... En réalité hormis sur les missions régaliennes (réglementation, sécurité), le ministère soutient des dispositifs, contractualise, incite les opérateurs, mais n'intervient plus directement depuis très longtemps comme le montrent notamment les baisses d'effectifs et les réductions d'actions dans les services départementaux.

Un état trop lourd, trop lent trop cher ?

Dans ses vœux adressés aux corps constitués, le président de la république assène « L'Etat doit changer (...) pour être utile au pays », le disant « trop lourd, trop lent, trop cher », avec une organisation « de plus en plus mystérieuse »
Ces propos sont ils valables pour le ministère des sports ? Avec 250 M€ de budget difficile de considérer que le budget des sports de l'Etat (en réalité le programme sport) est trop cher ! En tout cas le sport rapporte beaucoup plus qu'il ne coute que ce soit à travers la fiscalité ou les effets positifs de la pratique physique sur la santé. Trop lourd et trop lent peut être pour certaines procédures mais le débat à notre sens n'est pas là.
Au delà des moyens humains et financiers la question est, l'intervention de l'Etat dans le domaine du sport doit-elle être modifiée ou non ? faut il toiletter l'organisation mise en place dans les 30 glorieuses
Si l'intervention de l'Etat des années 60 à la fin des années 80 était justifiée pour accompagner les acteurs du sport (qu'il s'agisse des fédérations, des clubs ou des collectivités territoriales) à se structurer, cette intervention est elle encore pertinente aujourd'hui ?

Une organisation spécifique 

Ce qui fait la spécificité du modèle français, l' exception sportive c'est à la fois le système de délégation de prérogative de puissance publique aux fédérations délégataires sur l'édiction des normes techniques et l'organisation des compétitions et les cadres techniques placés auprès des fédérations :
- D'un coté un système de quasi délégation de service public sans aucune procédure de mise en concurrence qui installe les fédérations délégataires dans une situation de monopole,
- De l'autre des cadres techniques placés auprès des fédérations. Le cadre technique un janus à deux voire trois têtes nommé par le ministre des sports qui tient ses directives du DTN, qui agit dans le cadre des lettres de mission du directeur régional de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale et qui rend des compte à son président de ligue. Cette situation de placement qui constitue une bizarrerie administrative par rapport aux régles de la fonction publique de détachement et de mise à disposition constitue bien une exception sportive. Aujourd'hui les cadres techniques sont au cœur de toutes les attentions et des tensions entre le ministère et le mouvement sportif.

Faut il renforcer cette spécificité ? 

C'est la question qui est au cœur selon nous de la loi de modernisation du sport.
Pour y répondre il s'agit donc bien d'interroger d'une part ce qui doit faire l'objet de missions de service public et d'autre part les modalités de gestion de ce service public ?

- Quel service public ?
Il n'est pas opportun de remettre en cause la délégation de pouvoir aux fédérations sportives, même si on pourrait considérer aujourd'hui que le mouvement sportif est suffisamment mature pour imposer le monopole des disciplines sans disposer de prérogatives de puissance publique.
Mais la mission de l'Etat (protecteur) dans le domaine du sport doit -elle être limitée aux interventions « régaliennes « : la réglementation, la sécurité, la lutte contre le dopage, la certification voire la formation. Sur ce dernier sujet nous déplorons l'évolution des 20 dernières années et nous considérons qu'il grand temps de mettre fin à cette pétaudière (cf notre édito et lire aussi le rapport du 23 décembre 2013 des inspecteurs généraux....)
Ou, l'intervention de l'Etat (providence) doit elle porter sur le développement de la pratique sportive, le haut niveau, l'incitation à la pratique sportive, l'organisation de la pratique non compétitive, ....

- Quel mode de gestion ?
Si le service public est la clé d'entrée de la réflexion sur la gouvernance du sport, le mode de gestion de ce service public est également essentiel tant les cadres techniques interviennent à la fois sur des missions régaliennes, des missions déléguées aux fédérations et plus généralement sur des missions d'intérêt général.
Pour simplifier il convient d'identifier le mode d'action de l'Etat et les moyens consacrés autour de 4 axes :
- faire (les missions régaliennes),
- faire avec (partenariat),
- faire faire (la délégation de service public) ,
- laisser faire.
Seul un débat partagé 1 sur le service public du sport en premier lieu et 2 sur le mode de gestion de ce service public permettra de clarifier le débat sur l'avenir du modèle sportif français et la place des cadres techniques.

2 projets qui doivent converger.

Il aura fallu un an et demi pour que la ministre des sports dans un communiqué « salue l'ambition et la qualité du projet du CNOSF pour le sport français » et pour que le président du CNOSF  à propos du courrier de la ministre aux présidents des fédérations lors de ses voeux souligne que , « un courrier qui  laisse entrevoir de réelles perspectives d'évolution du modèle sportif français qui vont dans le sens que nous souhaitons ».
1 an et demi de perdu, peut être pas mais en tout cas un an et demi pour que chacun trouve ses marques. Maintenant place au projet commun !

1 commentaire:

  1. Toujours pertinent Monsieur Bayeux! Bien entendu, au delà des questions juridiques et administratives se pose la question quelles ambitions pour les sports? La dialectique est toujours posée sur le mode de gestion et surtout sur la maîtrise des éléments financiers ( CNDS en particulier et droits télévisés accessoirement). Il est indéniable que le modèle français comporte des inconvénients mais aussi des avantages. Qu'en sera t'il des avantages relevant du service public lorsque celui ci sera remis en cause par la jurisprudence européenne en l'absence de délégation expresse? Quelles seront les luttes de pouvoir au sein du mouvement sportif lorsque celui ci ne sera plus médiatisé par l'Etat? Il est de bon ton d'affirmer ou de promouvoir des projets de gestion séduisants qui risquent de ne pas résister à la fragmentation induite par le concert des disciplines. Le CNOSF revendique une autonomie complète mais sera t'il le garant de la mission de service public lorsque les activités non compétitives seront à la merci de la concurrence commerciale? Rien n'est moins sûr au regard de la jurisprudence européenne. Les bonnes intentions européennes sur le sport ne garantissent pas une gestion égalitaire et continue, au contraire elles mettent paradoxalement le secteur commercial en lumière comme acteur du développement ( Voir arrêt Meca Medina) Le profil libéral du Président du CNOSF n'apporte aucune garantie sur le sujet. Je serai conduit à développer plus avant tous ces arguments dans un travail plus élaboré.

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